Cette semaine dans le magazine Grazia, vous pourrez lire un article sur ces stagiaires qui mènent la vie dure à celui ou celle qui a eu le malheur de les prendre « sous ses ailes ». Oui, parce que le stagiaire est un fléau. Enfin le… LA stagiaire parce que c’est principalement d’elle qu’il est question. On nous raconte qu’une jeune fille aurait postulé pour plusieurs stages avec un CV – qui me paraît assez incroyable pour être vrai mais admettons – comportant des informations ahurissantes : « J’aime le sexe, fumer, boire, me retenir de faire pipi le plus longtemps possible […]« . Elle aurait même décroché avec son « Fuck le CV ! » des stages dans des magazines branchés. Soyons sérieux. Ce cas est isolé et s’il y a des gens pour recruter de tels profils, qu’ils s’en prennent à eux-mêmes si ça tourne mal.
Cet article est presque manichéen : les gentils salariés investis d’un côté, les méchants stagiaires feignants de l’autre. On y ressent beaucoup d’amertume. Quand une rédactrice en chef affirme qu’elle a travaillé durement pour en arriver là où elle est aujourd’hui et qu’elle a fait beaucoup de stages, on a envie de lui dire : « comme beaucoup d’étudiants aujourd’hui, non ?«
Et puis là, soudainement – parce qu’il faut bien taper sur quelqu’un – c’est la faute des blogueuses. Oui, elles croient tout savoir et volent la place des journalistes au premier rang des défilés de mode : « Dans les défilés, les blogueuses de mode sont placées au premier rang, devant de vraies filles qui bossent ! » Question ressentiment on ne peut pas faire mieux.
Le pompon c’est quand même lorsqu’une chef de service pense que sa stagiaire la fait volontairement se sentir vieille parce qu’elle parle de son tumblr, qu’elle sort dans des endroits branchés et qu’elle utilise des expressions qu’elle ne comprend pas. Oui, oui la stagiaire est manipulatrice et déteste les gens qui ont plus de 30 ans. Enfin, sachez-le, si vous êtes né(e) entre 1980 et 1996 – ce qui est mon cas – vous faites partie de la génération « Why » ou « Y » qui pose trop de questions et qui en plus veut des réponses (manque pas de toupet !), qui se roule dans l’individualisme, qui ne supporte pas la hiérarchie et l’autorité et qui souffre d’une grande instabilité. Génération pourrie donc ? Merci les idées toutes faites. Vous allez devoir faire avec nous de toute façon, que vous le vouliez ou non.
L’article de Grazia dépeint quand même une minorité de stagiaires. Il fustige celle qui s’habille avec des tenues hors de prix… Mais… Attendez, revenons quelques pages en arrière. Dans les dix indispensables de la semaine qu’avons-nous ? Une montre Tiffany & Co à 4700 €, un trench Burberry à 1395 €, un sac Chloé à 2600 €, une bague Maty à 1490 €, etc. La pièce la moins chère est un t-shirt A.P.C à 45 €. Rappelez-moi à quelles lectrices s’adresse Grazia ? La stagiaire doit donc s’habiller uniquement chez H&M et si elle a le malheur d’avoir pu s’offrir une belle paire de chaussures, c’est louche ? Je fais volontairement de la provocation mais cet article est un coup d’épée dans l’eau et ne dénonce même pas une réalité tangible. J’aime bien Grazia, c’est à peu près le seul magazine féminin que je peux lire sans grincer des dents mais là, ça me semble être une bien belle perte de temps et de papier que cet assemblage de phrases qui ne font que renforcer les clichés liés aux stagiaires. Non ! Nous ne sommes pas – tous – des paresseux scotchés à nos smartphones et à Facebook.
Il y a deux ans, j’ai étudié dans une école privée de communication assez connue. Je me suis retrouvée avec des filles qui décrochaient des stages grâce à leur réseau (autrement appelé piston) mais qui bossaient pour obtenir ce qu’elles voulaient. Elles avaient juste la chance de connaître les bonnes personnes ; le reste n’incombait qu’à elles-mêmes, leurs qualités et leur volonté de réussir. La vérité c’est qu’être stagiaire est loin d’être facile et on n’a pas idée de se faire remarquer avec des CV bassement racoleurs et de défier l’autorité par plaisir. On se considère simplement comme une force de proposition et on estime qu’on est là aussi pour faire avancer l’entreprise (dans une certaine mesure). Un stagiaire-toutou, ça vous apporte quoi à part votre café ?
Lors de l’un de mes stages, je me suis retrouvée sous la charge d’un directeur de la communication complètement allumé que ses collègues eux-mêmes ne supportaient plus. Je ne pouvais rien faire d’autre que l’argus presse (ranger les parutions mois par mois), le service presse (mettre des livres dans des enveloppes et imprimer les adresses d’expédition) et lorsque je souhaitais entrer en contact par téléphone avec les journalistes (même pour faire des relances, ce qui est pourtant la bête noire des stagiaires en communication !), il refusait catégoriquement : « Je le ferai mieux moi-même« . La maison d’édition ne le gardait que pour son carnet d’adresses… Il me racontait qu’il avait couché avec telle ou telle rédactrice en chef de tel ou tel magazine féminin, qu’il connaissait untel personnellement et qu’il allait dans la maison de campagne de la personne en question le dimanche pour s’éclater la panse à grands coups de gigots. Il chantait même le générique de Oui-oui à tue-tête en arrivant le matin et piquait des crises à en faire trembler mon bureau qui se trouvait en face du sien. Au bout de deux mois, j’ai craqué. J’ai demandé un rendez-vous avec la directrice de la publication et j’ai émis mon souhait à être changée de service. Et mon cas n’est pas rare.
Quand nous sommes toutes retournées à l’école à l’issue des trois mois de stage, nous avons toutes parlé de nos expériences respectives avec notre professeure principale et je peux vous dire que nous étions plusieurs à avoir vécu des moments difficiles. L’une d’entre nous avait fait son stage dans un bureau de presse où elle a vécu un enfer – et c’est peu dire. L’ambiance était stressante (les attachées de presse qui se tirent dans les pattes, les rumeurs) et elle travaillait juste à côté de la patronne qui ressemblait étrangement à Anna Wintour. Ses tâches consistaient à lui faire un thé, lui refaire le thé s’il ne lui convenait pas, faire des photocopies (un grand classique), réserver ses billets d’avion, acheter des choses pour ses enfants, s’occuper de sa fille qui avait perdu son Blackberry et j’en passe. Elle n’a pas tenu plus de trois semaines. Une autre avait décroché le stage qu’elle disait de ses rêves chez une grande marque de prêt-à-porter. C’était une jolie fille, mince, élégante et elle possédait tous les atouts pour travailler dans le monde de l’apparence. Après trois mois, elle avait perdu plusieurs kilos et avait l’air exténué. Elle nous a raconté qu’une fois, durant sa pause déjeuner et alors qu’elle était en train de manger un sandwich, un type de la boîte est venu la voir en lui lançant d’un air que l’on peut imaginer très méprisant : « Tu sais, chérie, quand on bosse dans la mode il faut être mince…«
Alors on sait bien que c’est finalement le monde du travail qui est comme ça mais j’ai fait des stages qui se sont très bien passés parce que j’avais la sensation d’avoir un rôle à jouer, d’être vraiment utile. Pour que chacun arrête de se plaindre et que l’on ne se renvoie pas éternellement la balle, peut-être pourrions nous commencer par communiquer ?
Je termine par vous donner le lien d’un site qui peut s’avérer bien utile dans la recherche de stage mais aussi pour se faire une idée de l’ampleur du problème « stagiaire » : Note ton stage, c’est ici.
Crescendolls
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La Comtesse
J’ai lu ton article jusqu’au bout, il ma scotchée! Tout est vrai, on se retrouve dans certaines anecdotes.
Bravo à toi!
CoppéliaAutrice
Merci :)